15 ans - Ses pas cognèrent sur le parquet alors qu’elle atteignait le premier étage. Pourtant, au lieu d’enfoncer sa porte pour se jeter sur son lit, c’est dans la chambre de son frère qu’elle atterrit afin de s’affaler sur le sien. Eytan eut à peine un regard en arrière pour elle, se contentant d’un «
Je t’en prie, installes-toi » lancinant, typiquement à son image. Enfouissant sa tête dans l’oreiller, elle hurla sa rage étouffée avant de se reprendre. Calant ses cheveux derrière ses oreilles, elle regarda son frère, toujours concentré sur son ordinateur où seul le son frénétique de ses doigts sur le clavier résonnait. «
Tu fais quoi ? » lui demanda-t-elle en penchant sa tête sur son épaule pour venir reposer dessus. Depuis le divorce de leurs parents et le départ de leur père, Eytan et Rosie s’étaient incontestablement rapprochés. Ayant déjà surpris leur mère en pleurs à cause de cela, les enfants qu’ils étaient à cette époque avaient très bien compris qu’il fallait qu’ils arrêtent de l’étouffer et s’étaient serrés les coudes pour s’entraider, en plus d’aider à entretenir la maison. Son frère était déjà timide, enfant. Ce trait s’était renforcé avec les années, si bien que le côté protecteur de Rosie s’était accru. Si bien que sa mère finissait souvent dans le bureau du directeur pour venir chercher sa fille aînée qui avait soit enfermé un plus jeune dans un placard, soit l’avait terrifié. A chaque fois, c’était en lien avec Eytan à qui elle ramenait sa gameboy ou voulait tout simplement le défendre face à la cruauté que les gosses sont capables. Mais cela, elle le gardait pour elle. Ni le directeur, ni sa mère ne furent au courant des raisons de la déviance de son caractère qu’ils mirent sur le dos du divorce. Et son père allait s’en servir cet été-ci pour justifier les fréquentations du camp militaire durant les prochains étés de la belle. «
C’est quoi tous ses chiffres ? Tu comprends quelque chose ? » l’interrogea-t-elle en voyant le code binaire défiler sous ses yeux sans y voir autre chose qu’une suite de 0 et de 1. «
C’est un code visant un langage ASP pour contourner les sécurités de passe. » tenta-t-il de lui expliquer en continuant de l'ignorer, tout à sa concentration. Pourtant, il dut sentir le regard hagard de sa soeur sur lui car il finit par tourner la tête vers elle en souriant ironiquement de son ignorance. "
Je contourne le mot de passe de Shaw pour entrer dans son compte facebook et modifier toutes ses photos pour çà. " expliqua-t-il de nouveau en lui montrant une image ridicule sur l'écran qui fit exploser de rire l'aînée. "
Je t'aime, toi !" Déposant un énorme baiser sonore sur sa joue, elle le félicita avant de sortir, le sourire étant revenu sur ses lèvres. Qui est Shawn ? L'imbécile avec lequel Rosie sortait au lycée et qui l'avait trompé honteusement pendant deux mois avec une soit-disant amie tout çà parce qu'elle semblait plus "prête" à passer au stade suivant. Chacun son tour, c'est çà aussi l'amour des frangins Hamptons.
16 ans - «
Rosie chérie. » La tendresse de sa voix la fit marquer une pause au détour de la cuisine. «
Donne-lui une chance, s’il te plait. Il vous aime, tu sais. Vous pourriez retrouver votre complicité d'antan. » Son regard roula sur la gauche alors qu’elle souriait gentiment à sa mère, consciente de la véracité de ses propos malgré tout. Chassant l’une de ses mèches derrière son oreille comme elle avait l’habitude de le faire depuis que Rosie était petite, Hanna se pencha vers elle pour l’enlacer. Câlin auquel l’adolescente de quinze ans lui répondit promptement. Rose avait toujours été proche de sa mère. D’autant plus depuis le départ de son père. Un coup de klaxon retentit mettant fin au câlin entre les deux femmes. «
Bon ben… j’y vais. Sinon, il va rameuter tout le quartier encore. » grogna-t-elle en attrapant son sac à dos auquel était rattaché un sac de couchage. Du camping avec son père. Et dire qu’elle manquait un week-end chez les grands-parents de sa copine Clarisse avec piscine pour du camping avec son vieux. La vie était injuste pour les adolescents. Seule, en plus. Eytan ne venait pas, une soi-disant allergie aux abeilles. La vie était vraiment injuste. Jetant son sac sur le siège arrière, elle claqua la porte du véhicule avant de regagner le siège avant, s’asseyant en saluant de loin son paternel. L’ironie ? Il semblait ravi de la voir, là. «
Tu vas voir tu vas passer de supers vacances ! » Mais bien sûr. Roulant des yeux, elle dirigea son regard vers la fenêtre pour observer le paysage qui défilait sous ses yeux en retenant son souffle qui s’expira dans un long soupir.
«
TU NE VAS PAS ME LAISSER LA ?! PAPA ! » Elle ne le croyait pas : il l’avait abandonné ici. Toute seule. Au pied de ce pu*** de camp militaire. En plus d’avoir détruit les soirées familiales mythiques autour du trivial poursuit ou du twister – qui perdaient tous leur sens sans le daron, il fallait l’avouer. Son frère préférant s’enfermer sur ses écrans -, d’avoir rendu leur mère malheureuse par cette séparation et rendu son frère plus renfermé encore, voilà qui la laissait toute seule après lui avoir promis de passer des vacances avec elle. De se rapprocher d’elle. Tenter de faire comme s’il n’était pas parti en les laissant derrière sans qu’aucune explication plausible ne soit donné. Le choc passé, elle fulminait. Son regard glissa de la barrière aux barricades en bois et elle réalisa que son été était plus que fichu. Sans portable et avec seulement quarante livres en poche, elle n’allait pas pourvoir aller bien loin. Sac sur l’épaule, elle regarda la route déserte. «
Quelle merde… » soupira-t-elle en relevant les yeux sur l’enseigne du camp avant de diriger ses pas vers le vigil de l’entrée. L’été va être long.
18 ans - C'était son troisième été au camp militaire. Si le premier avait été un affreux souvenir dont elle voulait oublier l'existence, Rosie s'était finalement faite aux règles strictes, à l'exercice de forcenat et les valeurs militaires qu'on lui inculquait. Le changement s'était aperçu dans ses notes scolaires qui s'amélioraient pour la rigueur qu'ils lui apportaient mais aussi dans son comportement qui restait malgré tout à double tranchant en-dehors du campement. La jeune femme était devenue plus calme et mature mais ses paroles sarcastiques s'étaient également développées comme son orgueil et son féminisme. Il fallait dire qu'il n'y avait pas beaucoup de filles lors de ses vacances d'été et les garçons avaient peu de respect et de considération pour elle, au départ. Elle avait dû le gagner honnêtement. Et cela lui avait plu. Son père avait respecté sa part du marché et n'avait rien divulgué de ce qu'il pouvait trouver dans son téléphone. Depuis, elle ne le prenait d'ailleurs plus - ne faisant pas totalement confiance en son paternel non plus et celui-ci ne lui servant définitivement pas -. "
Et ben, tu dois être une Terreur toi durant l'année pour te retrouver chaque été, ici. T'as fais quoi ? Vol à la sauvette ? Trafic ? " Une jeune fille de son âge se trouvait dans l'encadrement de l'entrée, voyante avec ses cheveux rouges et ses piercings qui lui trouaient toute la peau. Il était vrai que le campement Williamson n'était pas réputé pour accueillir que des enfants de coeur. "
Juste des bagarres de lycée." répondit-elle à celle qui allait devenir sa coéquipière de lits jumeaux vu qu'elle s'installait déjà. La rouquine s’esclaffa bruyamment. "
Rigole pas tes vieux à toi !" "
Pas quand ça se termine à l'hôpital !" rajouta-t-elle en examinant plus en détails sa camarade, se demandant si elle s'en ferait une alliée ou une ennemie cet été. Rosie n'était pas des plus violentes. Ses bagarres de lycée n'étaient que la continuité de ses petits larcins d'enfant : les geeks d'aujoud'hui n'étaient pas très appréciés des gros bras qui jouaient au rugby ou au polo. Son frère n'avait jamais réussi à s'intégrer et se faisait malheureusement souvent emmerdé. Ce à quoi elle s'était donnée une mission de l'aider. Rien de bien vilain mais dans ce genre de camp, si on voulait être tranquille durant l'été, mieux valait avoir l'air menaçant et mystérieux dès le départ. Et çà, c'était bien son père qui le lui avait appris.
22 ans - La faculté, enfin ! Ce sentiment de liberté qui vous attrape les tripes dans une nouvelle bouffée d'air frais. Rosie l'avait sentie dès qu'elle avait déposé ses cartons dans sa chambre d'étudiante qu'elle partageait avec une colocataire. Et il ne l'avait pas lâché durant toute sa première année en Histoire à l'université de Kingston. La culture l'avait toujours intéressée et elle se voyait bien devenir la nouvelle Indiana Jones à la conquête des vestiges des temples mayas qui restaient à découvrir ou encore en tant que conservatrice de musée, reposant sur les trésors inestimables de l'humanité. "
Ah, te voilà ! " Deux mains se posèrent sur sa taille afin de la retenir tandis que des lèvres se posaient sur les siennes alors qu'elle reconnaissait son assaillant. Jason était son petit ami depuis maintenant un mois. Etudiant en journalisme, il avait renversé un gobelet de bière sur sa tenue lors d'une soirée étudiante. Le début de leur histoire. "
On se voit toujours ce soir ? 19h devant le stade ? " Elle lui sourit. "
19h devant le stade. " L'embrassant sur la joue avant de disparaître dans les couloirs, Rosie se hâta car elle voulait passer à la bibliothèque universitaire avant que celle-ci ne soit prise d'assaut.
Pourtant, son parcours allait se compliquer et Rosie ne pourrait tenir sa promesse envers Jason de le retrouver le soir-même. «
Qu'est ce que tu veux ? » Son sourire s'était fané face à la tête qui venait d’apparaître dans son champ de vision, lui coupant la route sur le chemin de la bibliothèque. Elle était toujours sceptique lorsqu'elle voyait son père débarquer devant elle sans prévenir. Cela n'envisageait jamais rien de bon pour elle. «
Quoi tu m'en veux encore pour cette histoire de camp militaire ? Ca fait six ans... » Six années de trop, surement. Elle avait perdu bon nombre d'amies à force de ne pas être disponible durant les vacances d'été et prétextant partir en camping avec son vieux au lieu de les rejoindre sur les plages de Liverpool. «
Tu m'y as envoyé chaque année ! » protesta-t-elle sans se démonter, profitant des escaliers sur lesquels elle était perchée pour se sentir - au moins physiquement - supérieure. «
Viens avec moi. » «
Non. » il était hors de question qu'elle ne se retrouve engagée dans l'armée ou bien dans n'importe quel nouveau délire de père concerné par l'éducation de ses enfants. Ils étaient grands maintenant et n'avaient plus besoin d'être repris en main. «
En fait, tu n'as pas le choix. » Il lui attrapa le bras avant qu'elle n'est pu réagir et la tira vers une voiture de taxi qui s'arrêta devant eux. «
Tu me kidnappes ?! » «
Non, je te montre la voie. » C'était de plus en plus ridicule. Le côté mystérieux de son paternel qui l'obligeait sans jamais lui répondre avait le don de lui taper sur le système, si bien qu'elle se mit à pianoter nerveusement des doigts sur le siège arrière avant que la main de son père ne vienne s'abattre dessus pour l'arrêter. Complètement frappé. Elle éclata de rire lorsqu'ils s'arrêtèrent devant la vitrine d'un tailleur. «
Tu me montres la voie... Chez un tailleur ?! » Est-ce que Hanna lui avait parlé de ses demandes de stage dans divers musées de Londres ? En fait, elle s'en fichait mais il était hors de question qu'elle ne devienne ridicule en portant l'un de ses costumes en tweed pour faire bonne figure. On était au XXième siècle quand même. Son regard parcourra les étagères et elle fut étonnée de constater qu'ils se dirigeaient automatiquement vers l'une des salles. Elle regarda le vendeur qui les ignorait avant de revenir au visage de son paternel qui la pressait d'entrer. C'était vraiment ridicule... Son cri de surprise resta coincé dans sa gorge alors que le sol se mit à descendre subitement, dévoilant des murs de brique sous ses yeux. Elle regarda son père qui l'ignorait toujours, stoïque et droit comme un i. Était-ce lui qui venait de faire se dérober le sol ? «
tu crois peut-être que je suis le genre d'homme à rester assis sur une chaise à lire des contrats ? » C'était en tout cas ce qu'il lui avait raconté. «
J'ai gardé le secret car je l'ai promis à ta mère. Sauf que maintenant, je veux que toi aussi tu en fasses partie. » C'était quoi ce délire ? Faire partie de quoi ? Rosie aurait aimé faire part de sa stupéfaction qui commençait à se transformer en colère face à l'aveu paternel mais dû se taire alors qu'une énième personne venait de faire surface devant eux. «
Ah ! Perceval ! Ta proposition de recrue ? » Le délire s'enfonçait de plus en plus dans le fantastique et Rosie se mit à regarder autour d'elle pour remarquer des caméras de surveillance dans le couloir. C'était pour une émission de caméra caché, surement. Elle ne voyait pas d'autres explications. Pourtant, le petit jeu de son paternel commençait à lui faire monter la moutarde au nez. Elle le suivit lorsqu'il s'éloigna et elle lâcha sarcastiquement un «
Recrue ? » «
Tu crois que le karaté et le camp militaire c'était pour rire ? » Il finit par tous lui expliquer, utilisant objets et preuves à l'appui pour lui faire comprendre que tout ceci était réel. Que les Kingsman existaient bien et n'étaient pas une mauvaise blague de petits riches en manque de distraction au vue de l'endroit. Rosie n'accepta pas très cordialement la nouvelle, explosant au visage de son père. "
Tu nous as menti, à Eytan et moi, à propos de toi et de ce que tu faisais. C'est pour çà que tu es parti en nous laissant derrière. Tu nous as abandonné pour ces snobs prétentieux ! " Et autres "joyeuseries" de ce genre mais dont les oreilles chastes des petits bourgeois ont préféré ne pas entendre. Elle partit en rage de l'institut pour aller passer ses nerfs dans le premier pub qu'elle rencontra, n'en revenant pas des mensonges et des manipulations dont sa vie n'avait été qu'un jouet entre les mains de son père. Et pourtant, toute cette histoire l'intriguait, l'exaltait même. Un devoir de patriotisme et de protection. Une sorte d'agent secret. Ce n'était pas donné à tout le monde quand même. Mais cela revenait à faire un pas vers lui. A accepter toutes ses années de mensonges et de manipulation. Au moins, elle comprenait pourquoi il s'était comporté comme un crétin durant son enfance et son adolescence, refusant que sa fille ne fasse de la danse ou ne parte en vacances avec ses copines. Il avait besoin de l'endurcir et de la préparer.
Contre toute attente, et surtout la sienne, elle revint le lendemain matin. Avec la même mine boudeuse sur les lèvres et le regard fuyant et dur envers son paternel à qui elle ne pardonnait toujours pas ses années de mensonge. Elle estimait être en droit de savoir pourquoi on l'obligeait à suivre des camps militaires d'été et qu'on décide de son destin à sa place. Elle détestait cette idée. Son père n'était plus son père mais son formateur et elle lui faisait très bien comprendre qu'elle en acceptait l'enjeu, se prenant même trop à coeur dans cette distance que leur nouvelle relation imposait. «
A présent plus de papa, tu dois m'appeler par mon nom de code, Perceval, et toi Rosie, tu prendras toi aussi bientôt un autre nom. » Soit ! Elle se ferait un plaisir de mettre cette distance entre eux et s'appliqua à le lui montrer prestement. Pourtant, une certaine insolence continuait dans ses gestes, notamment lorsqu'elle nota uniquement le nom de Perceval sur le sac mortuaire qu'on avait déposé sur son lit en guise de cadeau de bienvenue.
Ils n’étaient plus que cinq. Tous les autres avaient été éliminés et l’un d’entre eux était même mort. Ils n’étaient pas préparés pour ça. Elle n’était pas préparée pour çà. Et pourtant, l’atmosphère qui régnait dans le dortoir lui donnait la conviction de continuer, d’aller plus loin et de ne rien lâcher. A ses pieds, Lady grogna lorsque l’un des garçons s’approcha avec une vanne pourrie. Une de plus. Elle avait été surprise par l’attitude assez BCBG qu’elle avait observé lors de son premier jour. Il fallait dire qu’elle ne s’attendait pas à ce que les personnages correspondent au style du lieu. Et pourtant… La vanne fusa, encore et toujours, suivit des autres. Et comme d’ordinaire, Rosie commença à perdre patience et fut stoppée par l’un de ses camarades avant qu’elle ne commette l’irréparable en se flanquant son poing dans le nez du malheur qui osait insinuer que sa place serait mieux derrière les fourneaux. Un petit snob à deux sous. Il s’en alla rejoindre les autres et railla en se gaussant auprès d’eux. Le second était comme lui, voir même un parfait petit toutou suivant son maître. Mieux que le chien qu’on leurs avait donné. Le second… le second était différent. Un macho orgueilleux comme on n’en faisait plus. Il n’avait pourtant pas besoin de parler pour l’indiquer, tout était dans son silence, ses regards et son attitude. Il parlait peu mais agissait beaucoup. Il avait au moins cela pour lui. Mais ses faibles répliques étaient aussi mordantes que les siennes. Elle ne comprenait pas pourquoi il était si hautain et froid, la rejetant elle plus que les autres. Alors, elle l’avait mis dans la même catégorie que les snobs prétentieux. Là où elle était le feu, il n’était que de glace : ils n’avaient vraiment rien pour s’entendre. Son regard dur et fier glissa sur lui pour revenir vers l’instructeur qui leurs indiquaient ce qu’il allait suivre pour l’étape suivante. Serrant ses mains derrière son dos, elle bomba la poitrine, prête à relever cette épreuve afin de pouvoir enfin clouer à ses prétentieux de première, Lady à ses pieds. Et pourtant, la mission ne se passa pas comme prévu. Elles ne se passaient jamais comme prévu. On annonça vers la fin de la mission une dernière étape importante, relevant d’un courage aussi immense que la débilité. Alors qu’une avalanche commençait à dévaler, l’indice capital était resté en arrière. Rosie fut la première à réagir, n’écoutant que sa témérité et surement sa débilité. Elle s’élança alors que tous lui disaient de revenir en arrière. Elle était désormais coincée entre l’avalanche et la fin de la montagne : être ensevelie ou précipitée dans le vide. Elle allait commencer à développer une peur phobique du vertige à ce rythme. Elle n’eut pas le temps de choisir qu’on l’agrippa pour la forcer à s’élancer dans le vide. Elle cria tellement fort qu’elle crut perdre sa voix autant que la raison. Pourtant, son corps ne continua pas l’incroyable chute et finit par se tendre pour remonter signe qu’on l’avait accroché à une corde qui résista pour l’instant tant bien que mal. «
Je te tiens, je te tiens. » Une voix qui se voulait rassurante trouva son chemin au creux de son oreille. Quelque chose qu'elle n'aurait jamais cru possible en reconnaissant le timbre de la voix. «
Attrape la branche ! » finit-elle par crier, la faisant redescendre sur terre brutalement. Affolée par la situation, elle mit deux secondes pour remarquer l’arbre qui poussait contre la roche et la cavité à ses côtés. Alors qu’ils se rapprochaient dangereusement de la montagne, ils surent qu’ils n’auraient pas de deuxième chance : soit ils attrapaient la branche pour se hisser à l’abri avant que l’avalanche n’arrive, dans les secondes qui suivent ; soit ils seraient happés par sa force destructrice. Ils réussirent sans qu’ils ne sachent comment. L’adrénaline, dirons-nous. Ayant à peine la place pour deux, la tension était aussi palpable que la colère. «
Tu es complètement inconsciente en plus d’être débile. » C’était la première fois qu’elle l’entendait autant parler, lui le muet qui ignorait royalement tout le monde. Sa fureur continua d’emplir la crevasse alors que l’avalanche finit par être si forte qu’elle couvrit le son de sa voix. "
Oh ca va hein ! Personne ne t'a demandé de venir me chercher, vous étiez trop occupés à faire dans votre froc pour revenir terminer la mission. Arrêtes de te croire supérieur au reste du monde ! Toi et tes grands airs..." Elle ne le regardait pas, - la cavité ne lui en donnait pas l'occasion de toute façon - furieuse également d’avoir dû être secouru et de se faire engueuler par une recrue comme elle alors que dans sa main, elle tenait le fameux indice qu’ils devaient impérativement ramener sous peine de se faire éliminer. Grâce à çà : elle restait dans la course et lui aussi. Cela n'empêchait pas leurs cris de retentir, s'énervant l'un contre l'autre pour faire passer la peur et la terreur qui leurs nouaient le ventre face à cette énième mission, délestant le trop-plus d'émotions qu'ils ne pouvaient plus gérer. De toute façon, ils ne s'entendaient pas, l'avalanche étant trop forte mais devinaient aisément ce que l'autre avait dit ou pensé lorsqu'elle se fut calmée, les laissant haletants d'avoir tout rejeté de la sorte. Cela ne sera que quelques jours plus tard qu'au détour d'un couloir, alors qu'ils se croisèrent sans se regarder, chacun cherchant à s'ignorer aussi froidement et normalement que possible qu'elle lâcha un faible et maugréant "
merci " tout en continuant sa route comme si de rien n'était. Mais cela étira ses lippes faiblement vers le haut dans un sourire de fierté en coin. Cette manche, il venait de la remporter bien qu'il reconnaissait que c'était grâce à sa folie qu'ils étaient encore là. Lui, l'iceberg machiste. Elle, la lave féministe. Quel drôle de mélange...